Interview de Raph : Un deeprun à Vegas

Interview de Raph : Un deeprun à Vegas

Tanguy le 14/01/2024

 

Raph, le fondateur de SpinElite, était à Las Vegas en cette fin d’année 2023 pour disputer le Main Event (10 400 $) du WPT World Championship au Wynn. La conclusion de cette aventure fut plutôt heureuse puisqu’il a terminé 16e, sur 3835 entrants, pour 291 700 $. Il nous accorde une interview pour nous parler de son expérience de joueur de poker à Vegas.


 

Comment te sens-tu par rapport à ce résultat ? 


 

« - Je suis vraiment très content et je n’ai pas de regret sur la façon dont j’ai joué. Juste je suis peut-être déçu de ne pas avoir été plus profond sur le coup qui me sort à la fin. J’aurais aimé pouvoir perdre ce coup sans me faire éliminer. [...] 300k $, c’est un joli payday et les sensations étaient incroyables. Le seul truc, c’est que ce deeprun était énorme et je ne suis pas sûr d’en revivre de tels. C’est un sentiment bizarre mais motivant pour tenter de revivre cette expérience. »


 

Peux-tu nous parler de ce coup justement ? 

« - Je soulève AKo au HJ donc j’ouvre. John Richards - probablement le dernier joueur récréatif encore en jeu - défend sa BB. Flop très bon : KQ9. Je cbet cher parce que je considère sa range comme très large, il paie. Turn : un 2 qui ouvre un tirage flush. Je cbet de nouveau mais mon adversaire me revient dessus à tapis. Étant donné son profil, j’estime qu’il a majoritairement des mains que je bats dans sa range, c’est pourquoi je suis. Malheureusement il avait Q9 et avait donc fait deux paires au flop. La river ne vient pas m’aider. »


 

Raph quittant la table au Main Event (10 400 $) du WPT Championship 2023 au Wynn à Las Vegas. Il termine 16e pour 291 700 $.

Crédit : Caroline Darcourt / Winamax.


 

Comment avais-tu identifié cet adversaire comme un récréatif ? 

« - C’était assez facile puisque j’ai pu jouer quand même quelques heures avec lui et il a joué des coups de manière assez particulière. C’est un énorme gambleur. C’est d’ailleurs ce joueur qui m’avait déstacké la veille en fin de Day 5. Il m’avait craqué les As avec J2o. Et il faut aussi prendre en compte qu’on a échangé oralement : il m’a confié que même s’il remportait le tournoi, la somme ne couvrirait pas ses pertes en paris sportifs ! Il m’a aussi dit qu’il s’était vu offrir une collection de montres de luxe par le casino en raison de ses dépenses aux machines à sous. »


 

Qu’as-tu fait après avoir bust ? 

« - J’avais mon avion pas tellement plus tard. J’avais pris mes billets pour le Day 6 sans être sûr d’y être encore, mais si j’y étais et que je devais les perdre, ça aurait été pour une bonne raison ! J’ai juste eu le temps de déjeuner et de jouer aux fléchettes avec un pote autour d’un verre pour décompresser avant de prendre l’avion et de m’endormir quelques heures. J’ai donc pu rentrer le 22 pour fêter la fin d’année avec la famille. »


 

Peux-tu nous parler un peu plus de ce tournoi ? 


 

« - Déjà, c’était un super tournoi, sans prendre en compte mon résultat : c’est incroyablement bien organisé, et le cadre est parfait. Les journées commençaient à midi et se terminaient à 21 heures, sauf le Day 1 qui terminait à 23 heures. Il n’y a pas de dinner break, et tant mieux parce que je déteste ça : ça casse tout le monde et ça nous fait terminer tard. 

Je l’avais déjà fait l’année dernière et j’avais adoré. Justement l’année dernière, j’ai l’impression que personne ne connaissait encore trop le spot, je m’y étais moi-même retrouvé par hasard ! Tout le monde avait apprécié ce tournoi et les gens en ont parlé autour d’eux, sont revenus, ça a entraîné une grosse affluence pour cette édition. Il y avait plus d’européens notamment, ce qui est plutôt une mauvaise nouvelle selon moi, parce que j’estime que ça réhausse le niveau. »


 

Est-ce qu’il y avait des règles particulières ? 

« - La shotclock, dont on n’a pas forcément l’habitude. C’est un chronomètre qui nous limite à 30 secondes pour les décisions postflop. La shotclock à démarré à la fin du Day 2, peu avant les ITM, pour rythmer le jeu. Son lancement a été accompagné de la distribution de jetons de timebank, qui nous donnent le droit à 30 secondes supplémentaires chacun. On en a eu cinq au lancement de la shotclock puis cinq à chaque début de nouveau Day. Cela impliquait des stratégies puisque certains joueurs les usaient chaque jour, alors que d’autres les économisaient pour en avoir un maximum en fin de tournoi. Je pense qu’il est plus malin de les conserver pour le plus tard possible, les décisions ayant un plus gros impact en termes d’ev $. Par exemple, Ben Heath, un britannique qui a fini 5e, avait économisé encore tous ses jetons de temps au Day 6.

Sinon, il y avait la possibilité de re-entry. On avait le droit à une inscription par Day 1, il y en avait quatre. Ça implique que les joueurs ayant les moyens - donc principalement des réguliers - vont tenter plus que les récréatifs. Le ratio pros/amateurs est donc en faveur des pros. »


 

En tant que spécialiste Spin, comment as-tu appréhendé le jeu endgame au milieu de joueurs probablement spécialistes des MTT ? 


 

« - Je me sentais plutôt bien … C’est peut-être dû au fait que je ne me rendais pas forcément compte des erreurs que je faisais. Quoi qu'il en soit, j’ai l’impression d’avoir bien tiré mon épingle du jeu. Il faut noter que je joue aussi pas mal au cash-game, ce qui m’aide pour les MTT parce que je joue à des profondeurs différentes. Et je suis allé faire un EPT à Chypre deux mois auparavant pour me préparer. J’y avais joué une vingtaine de tournois différents. Enfin, je me sentais pas trop mal non plus parce que je suis un joueur avec beaucoup d’expérience online. »


 

Comment as-tu géré la fatigue sur un tournoi aussi long ? 

« - C’était pas vraiment un problème pour moi. Juste, la qualité de mes décisions baissait à certains moments. J’ai forcément loupé au moins quelques optimisations. Le Day 1 est celui où j’estime avoir été le plus performant : je réfléchissais à tout pleins de petits détails pour orienter mes décisions et sizings. J’étais bien reposé aussi pour le Day 2 parce que j’avais eu deux jours de break suite à mon Day 1. Je commençais à être fatigué surtout au Day 4 mais l’adrénaline me permettait de rester à flot puisqu’on était 120 left !  Cette excitation était encore exacerbée au Day 5. Globalement, je pense avoir été assez en forme pour ne jamais avoir spew. Autre chose que je ne fais jamais habituellement, je m’autorisais à prendre un Red Bull chaque jour pour me booster un coup. »


 

Appliquais-tu une certaine routine avant de jouer ? 

« - Juste rentrer dans ma bulle, mais sans routine précise. J’utilisais quand même mon énergie pour préparer la strat de la journée. Par exemple, à partir du Day 2, on savait qui allait être à notre table. Je checkais qui était qui. C’est important de jeter un œil sur Hendon Mob. Si on vérifie pas, on peut se faire avoir. 

Les résultats sont importants à voir, mais il ne faut pas négliger la nationalité non plus. Imaginons un américain de 40~50 ans avec 500k $ de gains. Il n’est probablement pas meilleur qu’un hongrois de 25 ans avec 50k $ de gains. Le dernier étant potentiellement un gros joueur online.

On connaissait aussi les stacks de nos adversaires. Je m’y intéressais pour savoir quelles ranges je devais privilégier pour les dernières révisions. 

Si je décide de jouer plus en live, je travaillerai sûrement une routine un peu plus précise à l’avenir. »


 

Et un cool-down à la fin des journées ? 

« - J’allais au restaurant. Souvent l’italien du casino. J’y prenais une assiette de pâtes et un verre de vin rouge. C’était vraiment cool ! Quand tu vas manger à 21 h 30, tu sais que t’es encore vivant, que t’as fait le taff pour la journée, tu te poses et tu te dis « ouf ». Je mangeais avec Cédric et Maxime, qui ont deeprun aussi et c’était trop bien de vivre ces moments ensemble.

Ensuite, c’était dodo, réveil, petit-déjeuner et travail. Comme pour le warm-up, je professionnaliserai mon approche si je viens à jouer plus souvent en live. »


 

Raphaël Blouet et Maxime Chilaud prennent la pose devant la table TV au WPT Championship.

Crédit : Caroline Darcourt / Winamax.


 

Peux-tu nous parler de ton séjour de manière un peu plus générale ? 


 

« - J’étais à Vegas du 8 au 20. Une douzaine de jours, c’est pile la bonne durée pour moi : j’ai eu le temps de bien profiter sans être en burn out de Vegas. 

En plus j’aime vraiment bien ce moment en fin d’année. Je me dis que l’année est finie et je prends un temps pour aller jouer dans un bel endroit. J’y étais allé à la même période l’année précédente. »


 

Peux-tu nous en dire plus sur la logistique ? 

« - J’y suis allé avec pas mal de membres de la team SE. On a pris l’hôtel du tournoi. Ça contribue à l’expérience globale, même s’il y avait 10 minutes de marche jusqu’au tournoi ! [rire] Le complexe est tellement grand. Être sur place change tout en termes de confort. On est juste sortis une fois pour aller faire du shopping. On peut se déplacer facilement en taxi. »


 

Est-ce que tu as joué en dehors du ME ? 

« - Une session de cash-game. Et j’ai fait le WPT Prime ! Un tournoi à 1k $ de buy in avec un field énorme : environ 10 000 entrées. J’ai mis trois boulettes et je ne pense pas avoir très bien joué. 

Je me suis fait own sur une main où j’ai trois barrel bluff contre un joueur. Je me suis fait snap !  Ayant donc vu le showdown, j’estime qu’il aurait dû fold 100 % turn, mais encore plus river… Après ce genre de situation, tu te remets en question : est-ce que je n’étais pas trop flagrant en bluff sur un tournoi live où j’ai moins d’expérience ? Je ne suis pas arrivé bien en confiance pour débuter le 10k $. »


 

Tu es plutôt burger ou salade ? 

« - J’ai plutôt été pâtes pendant le séjour ! Mais quitte à choisir je prends le burger ! [rire] Il y a des tonnes de super restos à Vegas. On en a bien profité pendant les deux jours off. »


 

En quoi Vegas est une expérience incontournable pour un joueur de poker ? 


 

« - Il y a un peu le package complet où tu as toute l’action du jeu en live. Il y a les WSOP l’été, mais il y a aussi tous les autres casinos autour qui organisent de très beaux tournois. Pour moi comme pour beaucoup, c’est La Mecque du poker ! 

En dehors du poker, c’est une ville où on peut de toutes façons passer un bon moment : NBA, désert, restos, etc. Du coup c’est très cool pour tous les moments où tu as du temps.

J’ai d’ailleurs rencontré un français qui était venu en famille. Il m’a dit qu’ils ont tous passé un très bon séjour. Il y a des choses à faire autour, même avec des enfants. C’est cool à savoir, je pourrai y emmener mes enfants quand ils seront un peu plus grands. »



 

Cédric Schwaederle, autre français ayant deeprun, au Main Event du WPT Championship.

Crédit : Caroline Darcourt / Winamax.


 

Merci à Raph pour s’être prêté au jeu de l’interview. Bravo encore pour ce merveilleux résultat. Si tu souhaites en découvrir davantage sur Vegas et le WPT Championship du Wynn, l’interview de Cédric (21eme), coach MTT SpinElite et SpinForWin, débarque bientôt sur SpinForWin. Et si tu souhaites t’offrir des chances de faire un tel deeprun, sache que la team MTT est ouverte pour former le futur du poker français !